Kitchen Prioritization : priorisez avec vos parties prenantes

Gregory

Début 2018, je créais un jeu pour des top managers chez Engie afin de discuter du sujet de la priorisation. Etant donné la population, je souhaitais orienter le sujet sur la priorisation avec les clients, les autres services, les autres managers…

Ainsi est né Kitchen Prioritization

Kitchen Prioritization

Kitchen est un dérivé du jeu Celebrity Prioritization, créé en 2012 par Geoff Watts et Paul Goddard, coachs agiles londoniens.
J’aime beaucoup cet atelier mais j’avais deux limites par rapport à lui : il demande de prioriser des personnes et je m’étais déjà retrouvé face au mur par un groupe qui m’avait dit “on a pas priorisé car ce sont des personnes”, c’était bien pour débriefer sur la non décision mais ça jette un froid…
La priorisation dans ce jeu est lié à une urgence pas à une vision, je souhaitais parler de la vision, l’objectif. 

J’en avais d’ailleurs fait une traduction en français en 2013.

Pour en revenir à Kitchen Prioritization, le but de ce jeu est de démontrer à quel point il est important d’avoir des critères de choix durant une phase de priorisation et de les rendre explicites. Ce jeu parle de priorisation relative, de critères implicites, de critères personnels, d’attentes implicites.

Public : Managers, Product Owners, agilistes de tout poil

Durée : 30mn (dont 15mn de jeu)

Nombre de participants : 3 à beaucoup plus

Matériel:

  • Papier/Ciseaux ou sticky notes. Pour jouer, vous allez faire écrire sur des petites cartes. Utilisez des sticky notes ou coupez des petites cartes dans du papier.
  • Stylo/Feutres
  • Paperboard

Instructions

Créez des équipes de 3 à 6.

Introduisez le jeu en expliquant aux équipes “Vous êtes une colocation et souhaitez installer une nouvelle cuisine. Vous allez devoir prioriser les éléments de la cuisine depuis le plan de travail jusqu’aux plus petits éléments électroménager”.

  1. 3mn – Demandez au groupe quel est, selon eux, le ou les objectifs d’une bonne cuisine
  2. Distribuer à chaque membre de chaque groupe une petite carte de rôle (fichier lié). Cette carte va donner un rôle et des attentes par rapport à la cuisine. Chaque colocataire va en prendre connaissance et la cacher aux yeux des autres, cette carte servira à générer des éléments de cuisine et jouer dans la priorisation. Dites aux participants qu’ils doivent garder cette fiche bien cachée et jouer leur rôle en nuance afin de ne pas être détectés
  3. 3mn – Demandez à chaque groupe de générer autant d’éléments que possible en mode brainstorm. Faire écrire chacun des éléments sur une carte différente de manière à former une pile d’éléments.
  4. 3mn – Demandez au groupe de former une jolie pile, la mélanger et de la retourner de manière à ne plus voir ce qui a été écrit.
  5. 8-10mn : Le groupe se lance dans une priorisation Vision 20/20.
    Depuis la pile retournée, le groupe pioche les cartes les unes après les autres et regarde à chaque fois si c’est plus important (on pose la carte au dessus) ou moins important (on pose la carte en dessous) ou entre deux.

Liste des rôles

  • Je suis un.e cuisinier.e exigeant.e
  • J’adore cuisiner des gâteaux
  • Je ne pense qu’à mes enfants
  • J’invite toujours plein de monde à la maison
  • Je n’aime pas la technologie
  • Les trucs inutiles sont funs et géniaux
  • J’aime créer une ambiance
  • On peut toujours trouver moins cher

Vous remarquerez que les rôles ne sont pas contradictoires, l’objectif est de démontrer que bien qu’il n’y ait pas d’opposition dans les attentes, on peut arriver à des blocages de décision.

Debrief

  • Qu’avez-vous pensé de l’exercice de prioriser relativement ?
  • Auriez-vous pu effectuer cette priorisation sans comparer les éléments ?
  • Comment avez-vous ressenti le rythme ? Auriez-vous aimé plus de temps ? Qu’en auriez-vous retiré ?
  • Comment s’est passé la discussion ?
  • Vous êtes vous appuyé sur des critères ?
  • Vous êtes vous référés au critère défini au démarrage du jeu (l’objectif d’une cuisine)
  • Quels étaient vos rôles ? Aviez vous compris le rôle des autres ? Cela a-t-il créé des choses particulières ?

Apprentissages

Photo by Arisa Chattasa on Unsplash

Afin de faciliter la prise de décision et le compromis, il est fondamental de trouver un critère qui gouverne toutes les décisions. Bien souvent ce critère sera lié à la stratégie, l’objectif, le gain pour l’entreprise globale (finances, notoriété, stabilité, innovation…). En mettant à la vue les objectifs prioritaires de l’entreprise on favoriser la priorisation des sujets de l’entreprise.

Il est nécessaire d’expliciter les critères de décisions du groupe (souvent en lien avec cet objectif d’entreprise). Cependant le groupe peut aussi ajouter des éléments communs qui leurs permettent de mieux se comprendre entre eux et qui permette d’offrir des gains mutuels au travers des décisions comme un besoin RH par exemple de montée en compétence, une notion financière et la gestion budgétaire…

Il est fondamental de rendre explicite les attentes personnelles masquées. En rendant visible ces non-dits, on peut dérisquer des frustrations voir des conflits interpersonnels. Le service légal ne peut admettre qu’un certain cadre, la finance ou les achats doivent prioriser les solutions les moins coûteuses, le commerce souhaite prioriser ce qui peut créer rapidement des opportunités…

La priorisation relative permet de faire apparaître rapidement les éléments les plus prioritaires (début de liste) et les éléments facultatifs (fin de liste), on passe souvent du temps dans le ventre mou et la délimitation du temps devient notre meilleur allié.

L’explicitation de l’objectif d’entreprise permet d’affiner la notion de valeur dans l’entreprise. Si l’objectif de l’entreprise est de satisfaire ses clients, on pourra parler de valeur pour le client, si l’objectif de l’entreprise est la notoriété, on pourra parler de valeur en gain de notoriété etc.
Sans critère explicite de priorisation commune, il est difficile d’estimer en quoi tel ou tel élément apporte de la valeur à cet objectif.

En élément de débrief, lorsque j’ai des Product Owners dans la salle, il m’arrive aussi de débriefer sur l’importance d’avoir les parties prenantes en face à face pour éviter au maximum de se retrouver entre les feux et d’être vus comme responsable de satisfaire tout le monde (ce qui n’est pas possible !). Je recommande donc aux PO de réunir tant qu’ils le peuvent les parties prenantes en face à face mettant ces derniers en responsabilité des compromis.

Posture de l’animateur.trice

Dans ce jeu, l’animateur ou l’animatrice a un rôle très léger :

  1. Il/Elle raconte le story telling de la colocation
  2. Il/Elle challenge le groupe pour faire émerger l’objectif d’une cuisine. Il est intéressant de noter à ce niveau là que bien souvent, le groupe fait émerger tout sauf un objectif (“il faut de quoi manger”, “il faut que la cuisine soit grande”…), cela permet déjà de noter que faire émerger une vision, un but précis est moins évident que de définir des solutions
  3. Il/Elle fournit les cartes de rôle et timebox la phase de génération
  4. Il/Elle explique le système de priorisation Vision 20/20 et laisse faire le groupe
  5. Lors de la phase de priorisation, aux ? du temps disponible, j’aime bien annoncer le temps restant, bien souvent une accélération se fait
  6. A la fin de la priorisation, il/elle débrief.

Observations de parties

  • Bien que le groupe, dans une situation de jeu, finisse assez rapidement à un consensus, jamais il n’explicite de critère et rares sont les groupes qui s’appuient sur l’objectif de la cuisine initialement posé
  • Il arrive régulièrement que des groupes débattent longtemps sur des éléments non prioritaires, souvent dans le ventre mou de la priorisation. Une vision agile de l’exercice permet de voir qu’il est possible de laisser le ventre mou de côté dans un premier temps pour effectuer une repriorisation plus tard après avoir mis en oeuvre les premiers éléments
  • Il m’est arrivé de voir des personnes sortir totalement de l’exercice frustrés de ne pas avoir la parole et de ne pas arriver à pousser leurs idées, une situation pas si exceptionnelle et souvent liée à l’effet HiPPO (Highest Paid Person’s Opinion) ou l’effet grande gueule
  • Des situations absurdes où la personne aimant les objets inutiles arrive à positionner ses idées en tête de liste (salière nain de jardin taille réelle, photo de canard…), il est intéressant de comprendre la rhétorique utilisée pour faire passer ces éléments, comment ils ont réussi à convaincre les autres

 

Je vous invite à tester le jeu et partager vos observations ou votre manière de le débriefer en commentaire !

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