Interview d’Olivier Pellegrino, manager par temps de COVID

Gregory

Olivier est manager d’une équipe que j’accompagne depuis 2018. J’ai suivi la période de confinement de mars puis la période hybride vécue au moment du déconfinement jusqu’à aujourd’hui. Après avoir échangé avec lui sur sa situation et celle de l’équipe, j’ai pensé que son témoignage était précieux pour d’autres et je suis donc allé l’interviewer.

Bonne lecture !

Grégory

Bonjour Olivier, peux-tu te présenter rapidement ?

Olivier Pellegrino, manager à la DSI d’Enedis

Je suis Olivier Pellegrino, j’ai 45 ans et je suis actuellement manager d’une équipe de 100 personnes environ à la DSI Enedis.
J’ai un parcours assez classique dans le SI : développeur dans plusieurs ESN j’ai intégré le groupe EDF en 2006 pour évoluer d’abord vers l’architecture SI puis la gestion de projet avant de devenir manager.

Depuis 2006 j’évolue sur des projets à forts enjeux stratégiques pour Enedis. A travers ceux-ci j’ai toujours essayé de mettre en œuvre de nouvelles méthodes technologiques et organisationnelles. J’ai ainsi pu participer activement à de nombreuses transformations : Agilité, Agilité à l’échelle, Open Source, DevOps, Cloud public et privé.

Te souviens-tu de ce qu’il s’est passé au moment où le 1er confinement s’est officialisé ?

Nous sommes responsables de l’exploitation d’un SI stratégique Enedis, il a donc fallu passer très rapidement à l’action pour garantir la continuité de service de nos applications. Depuis quelques jours déjà nous avions isolé chez elles les ressources critiques pour assurer cette continuité.

L’enjeu principal lors du confinement généralisé a été de fournir des accès distants à l’ensemble de nos équipes sans dégrader le niveau de sécurité du SI.
Heureusement nous pratiquions déjà le télétravail partiel (1 jour par semaine) ou pour des interventions en astreinte. Nous disposions donc déjà de toutes les solutions pour pouvoir le faire, et nous avons réussi à les généraliser pour 100% de l’équipe en seulement quelques jours.

Quel a été l’impact de cette période sur l’activité de tes équipes ?

Globalement assez faible, que cela soit sur les activités d’exploitation ou de développement. Aucun incident majeur que nous n’ayons su traiter à distance et un impact limité sur la productivité des équipes de développement.

L’impact le plus fort a été probablement le ralentissement des activités en DataCenter pour lesquelles des gestes physiques restent nécessaires.
Des impacts négatifs ont tout de même été constatés par l’équipe :

  • La multiplication des canaux de communication (mails, téléphones, visio, chat, forum, …) qui induit une sur-sollicitation des équipes.
  • L’augmentation indéniable du temps passé en réunion de coordination et en production de reporting.
  • La difficulté à s’assurer de la mobilisation des équipes en cas de crise en production.
  • Et surtout, une énorme difficulté pour l’accueil de nouveaux arrivants, le lancement de nouveaux projets ou prestations, avec beaucoup d’échecs concrets et visibles.
    Mais aussi des impacts positifs :
  • En premier lieu une solidarité et une entraide plus forte au sein de l’équipe
  • Une communication davantage écrite, donc mieux tracée et mieux partagée par tous les membres de l’équipe
  • Une meilleure information montante et descendante à travers les points d’informations plus réguliers et généralisés

Et quel a été l’impact pour toi dans ton rôle de manager ?

D’abord débordé par la gestion de la crise elle-même. Trouver des solutions pour chaque membre de l’équipe, produire un nombre plus important de reporting vers mon propre management, rester en contact de l’équipe et augmenter l’information et la communication vers celle-ci.
Puis au bout de quelques semaines, ça finit par rouler, laissant place à un sentiment de vide voire d’inutilité…

Les résultats étaient bons, la communication en place …et pourtant une partie importante de mon travail était impossible. Pour moi, mon métier de manager c’est aussi d’anticiper, de « sentir les choses », d’être attentif à ce qui se passe au sein de l’équipe même si ce n’est pas dit ou écrit …et c’est clairement beaucoup plus difficile à distance.

Je suis plutôt un manager « délégatif », j’accorde une grande confiance et autonomie à mes équipes sur le plan opérationnel. Ce qui finalement m’a permis de vivre sans trop de stress la perte de contrôle qu’impose une telle situation.

Enfin, je crois que si j’ai choisi d’être manager, c’est parce que pour moi les relations humaines sont très importantes, j’aime être disponible pour tous sur l’open space pour pouvoir échanger sur des sujets techniques ou organisationnels avec chaque membre de l’équipe. Avec un agenda plein à craquer, probablement plus difficile de me solliciter à distance que lorsqu’on me croise dans un couloir entre 2 réunions ou à la pause café…

Tu m’avais dit que pour autant, la performance des équipes avait été bonne,
d’après toi qu’est-ce qui a permis cela ?

Premièrement, notre activité se prête facilement au travail à distance.
Ensuite, la disponibilité d’outils simples et efficaces de travail et collaboration à distance est indispensable.
Enfin et surtout, les objectifs et missions n’ont pas changé avec le confinement, chacun savait ce qu’il avait à faire …donc je pense finalement que l’autonomie et la responsabilisation données à chaque équipe et collaborateur ont été les clés de notre réussite pour surmonter cette période.

Sans oublier que cette période a donné lieu à un élan de solidarité important dans les équipes, même pour certaines dont les relations étaient auparavant difficiles.

Qu’avez-vous mis en place de particulier dans cette période ?

Nous avons essentiellement renforcé nos instances de coordination et information :

  • Mise en place des daily meetings dans toutes les équipes ou nous les avons allongés pour celles qui en faisaient déjà
  • Organisation de réunions plénières hebdomadaires pour les plus grosses équipes
  • Diffusion d’une newsletter quotidienne avec les faits marquants de toutes les équipes
  • Enfin, j’ai la chance d’avoir une « Happy Manager » au sein de l’équipe, et je pense que cela a eu un rôle important pendant cette période.
    Cela va de l’organisation de jeux en ligne, « apéros Skype », petits déjeuners en visio pour l’accueil des nouveaux arrivants, à la diffusion d’informations « drôles et insolites » pendant cette période difficile. Cela a permis de maintenir un lien « non managerial » avec les collaborateurs en difficulté, pour certains isolés pour qui il était probablement plus facile de se confier.

Aujourd’hui, comment êtes vous organisés entre présentiel et distanciel ?

Nous avons repris sur site très progressivement à la fin du confinement pour nous assurer que les mesures barrières étaient comprises et efficaces.
A partir d’août nous avons adopté un rythme de 2 jours à distance / 3 jours minimum sur site. Depuis que Lyon et sa région sont passés en zone « maximale » nous avons augmenté le télétravail en soutenant un rythme de 1 jour présence minimum sur site par semaine.

Nous avons changé plusieurs fois, pour nous adapter à la situation sanitaire ou aux consignes générales Enedis. Chaque changement a été fait en toute transparence avec
les équipes et a été, globalement, bien accepté par tous.

Nous sommes restés toujours attentifs à la situation personnelle de chacun tout en incitant à une reprise de contact indispensable avec son équipe.

Dans tous les cas, les équipes ont été ravies de se retrouver régulièrement et le lien social professionnel reste précieux pour tous.

D’après toi, qu’avez-vous réussi à mettre en place qui facilite le fonctionnement
dans ce mode hybride ?

Chaque équipe a fait le choix d’être sur site « en même temps », et a donc défini les jours de présence obligatoire pour ses membres.
J’ai seulement demandé aux différentes équipes de choisir des jours différents pour limiter les effectifs présents sur site dans un objectif sanitaire.
Ce n’est pas idéal car les interactions entre les différentes équipes restent utiles mais la santé de nos collaborateurs reste le plus important.

Quels sont tes enjeux pour demain vis à vis du contexte sanitaire ?

Un nouveau confinement général sera difficile pour tous, au-delà de l’expérience inédite de printemps c’est beaucoup plus difficile à vivre dans la durée …
Nos priorités au-delà d’assurer la continuité de nos activités seront :

  • De fiabiliser nos solutions d’accès distant et de fournir du matériel nomade plus confortable à nos équipes (c’est déjà fait)
  • Rationaliser et clarifier nos canaux de communication
  • De mieux gérer l’accueil de nouveaux arrivants ou le lancement de nouvelles prestations
  • D’accompagner mieux les personnes qui supportent mal l’isolement
  • Je pense également réserver des créneaux dans mon agenda, pour être plus disponible pour des échanges informels avec tous les membres de mon équipe.

Le challenge sera pour nous tous de maintenir l’esprit d’équipe et une collaboration efficace… de maintenir solidarité et motivation malgré une situation qui dure dont nous avons tous envie de sortir.

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